Hyperthermie maligne: prévenir l’hyperthermie chez des patients venant d’être opérés
La connaissance d’une prédisposition génétique ne contribue pas seulement à optimiser le traitement médical de certaines maladies. En effet, la santé personnalisée peut également contribuer à prévenir des complications graves lors d’un traitement médical.
Les anesthésistes et les chirurgiens la redoutent particulièrement : l’hyperthermie maligne. Le chirurgien pédiatrique Louis Marie Arsène Ombrédanne fut le premier à présenter une description scientifique de cette maladie. À l’occasion du Congrès des pédiatres francophones du 2 octobre 1929, Ombrédanne décrivit les complications qu’il avait observées chez certains nourrissons venant d’être opérés : leur pouls s’était extrêmement accéléré six à douze heures après l’anesthésie puis leur température corporelle était montée à plus de 42 degrés Celsius et la mort était survenue par collapsus cardio-vasculaire. Les causes de cette pathologie étaient difficilement explicables pour le professeur.1 Ce n’est qu’en 1962 que le médecin australien Michael Denborough découvrit les causes génétiques de la maladie après avoir observé dans la famille d’un de ses patients, une fréquence élevée de cas de décès suite à des anesthésies.2
Absence de symptômes en l’absence de facteurs déclenchants
L’hyperthermie maligne est une maladie du muscle qui ne se manifeste par aucun symptôme dans la vie quotidienne. Six variantes différentes de la maladie sont connues à ce jour. La variante la plus fréquente, appelée Malignant Hyperthermia Susceptibility 1 (MHS1), résulte de mutations affectant le gène RYR1 codant pour le récepteur à la ryanodine. Une autre variante (MHS5), plus rare, est due à des mutations affectant le gène CACNA1S qui code pour le récepteur à la dihydropyridin. Les deux récepteurs sont impliqués dans la régulation du transport du calcium dans les cellules musculaires.
Les symptômes mortels sont provoqués par la majorité des narcotiques gazeux (à l’exception du gaz hilarant) ainsi que par un principe actif utilisé pour procurer une détente musculaire. Ces produits entraînent une libération massive et incontrôlée de calcium dans les muscles squelettiques et une activation des fibres musculaires. Le métabolisme des cellules s’intensifie, la consommation d’oxygène et la production de gaz carbonique augmentent tout comme la production de chaleur. Ce processus qui a lieu tout d’abord exclusivement dans les muscles, entraîne une acidose et une hyperthermie sévère affectant le corps entier, si bien qu’enfin le cœur, les reins et le cerveau sont également endommagés. Si aucune mesure n’est prise, les personnes touchées décèdent d’une défaillance multi-viscérale. Si en revanche, le diagnostic est posé suffisamment tôt, le processus fatal peut être contrecarré par l’administration d’un principe actif qui inhibe la libération de calcium dans la musculature.3, 4
Une anesthésie adaptée à la prédisposition génétique
Une à trois personnes sur 10 000 sont porteuses de la mutation génétique qui les expose à l’hyperthermie maligne. Celle-ci est transmise à la descendance indépendamment du sexe. Si cette prédisposition est connue chez un patient, on peut employer un narcotique alternatif pour l’anesthésie et empêcher ainsi l’apparition de la maladie.4
Aujourd’hui, les personnes issues de familles qui ont déjà connu des accidents d’anesthésie peuvent demander un test génétique pour déceler une prédisposition à l’hyperthermie maligne et se voient délivrées, le cas échéant, une carte mettant en garde contre leur intolérance aux narcotiques néfastes.
Septembre 2018
Littérature
(1) Ombrédanne L, Armingeat J (1929) Rapport sur le syndrome Pâleur et Hyperthermie chez les Nourissons opérés. In: Le progrès médical 1929 (45), S. 1932 – 1936.
(2) Denborough M et al (1962) Anaesthetic Deaths in a Family. In: British Journal of Anaesthesia 1962 (34), S. 395 – 396. Lien
(3) U.S. National Library of Medicine, Genetic Home Reference: Malignant Hyperthermia. Lien
(4) Rüffert H (2010) Maligne Hyperthermie. Informationsbroschüre für Patienten. Leipzig: Klinik für Anästhesiologie und Intensivtherapie, Universitätsklinikum Leipzig. Lien